NAMASTE : Chroniques Népalaises
A lire en écoutant
RYAN ADAMS - Ashes & fire
Parce que même si
Katmandou n'est plus la cité hippie que l'on s'imagine, elle n'a en rien perdu le feu de son authenticité.
Et parce que je sais que ça fera plaisir à un copain...
Arriver à Katmandou est une expérience des plus dépaysante. Qui plus est après un stop dans la
pimpante-mais-artificielle ville de Dubaï. Après avoir été secoué par l'atterrissage brutal sur le tarmac de la plus grande ville du Népal (1 millions 5 d’habitants), on est directement frappé
par le chaos qui règne dans ce si petit "aéroport international". Dès les premières minutes il faut lutter pour distinguer les quelques panneaux écrits dans un anglais approximatif et trouver son
chemin. Une fois le secteur immigration atteint, on découvre un alignement de vieux bureaux en bois, d'où résonne le bruit des tampons heurtant les passeports étrangers. Mais on n'entend pas
beaucoup d'anglais. Rien n'est informatisé, rien n'étincelle... rien ne semble facile. Le temps des aéroports chics, propres et bien indiqué est définitivement révolu. On se balade donc d'un
bureau à l'autre, au gré des envies de bosser des agents (vraiment relax les Népalais), puis une fois le sésame obtenu on attend son sac sur un tapis roulant, lui aussi d'un autre âge. Les portes
de l'aéroport passées, une dizaine de conducteurs de taxis se jettent à l'assaut des touristes, proposant de les conduire à Thamel (le quartier touristique de la capitale), alors que d'autres
Népalais se battent pour les aider à porter sacs et bagages. A éviter d’ailleurs si on ne veut pas se faire réclamer une pièce. C'est dans le chaos des dizaines de taxis qui dorment à quelques
mètres des portes de l'aéroport que je retrouve Tomtom et Lélènne.
Une fois mon sac chargé dans le coffre et nos trois carcasses entassées dans le petit taxi Népalais (il ne fait pas
bon être grand au Népal, laissez moi vous le dire), nous prenons la direction de Thamel. C'est à ce moment là que je découvre l'anarchie qui règne sur les routes. L'anarchie qui règne AU Népal.
Pas de gauche, pas de droite, on se faufile comme on peut pendant les heures de pointe... un peu tout le temps en fait. Les sombres rues de Katmandou (par soucis d'économie, coupure de courant
quotidienne) ne sont éclairées que par les habitants qui brulent leurs déchets en bord de route. C'est leur système de traitement des ordures. Le taxi zigzague entre les chiens errants et les
nids-de-poules des routes mal entretenues et nous dépose dans un nuage de poussière à l'auberge où nous squatterons pendant quelques jours. Eclairage à la bougie, douche à l'eau froide et
toilettes turcs... Comme dise les Népalais à tour de bras, "Namasté!" : bienvenue au Népal. Arriver à Katmandou et découvrir la ville est, pour sûr, une expérience des plus dépaysante.
C'est donc ce chaos général qui marque lors des premiers moments où l'on découvre Katmandou. Les marchands (ambulants ou fixes) n'ont de cesse de presser le touriste à acheter quelque chose ("buy something!"), les taxis et rikshas veulent nous emmener n'importe ou ("riksha sir?") et les racoleurs arpentent à longueur de journée les rues malpropres de Thamel ("you want to go trekking? Marijuana?"). La propreté est un réel problème au Népal (surtout à Katmandou) : les gens passent leur temps à balancer de l'eau devant leur boutique (pour éviter les nuages de poussière) et il n'est pas rare de passer à deux doigts de se faire assommer par les sacs poubelles qui pleuvent littéralement des fenêtres la nuit venue (je ne vous parle pas d'une balade sur les rives de la Vishnumati, tellement polluée par les ordures que l'odeur qui s'en dégage donne envie de vomir à des dizaines de mètres à la ronde). Au premier abord, Katmandou est plus oppressante que séduisante et on peut se sentir un tantinet perdu. Ne pas boire l'eau du robinet, quitter ses chaussures quand on pénètre dans un temple, croiser une vache en plein milieu de la route, toujours négocier lors d'un achat et éviter la bouffe de rue (surtout quand on voit les légions de mouches qui prennent soin de la viande sous le soleil) deviennent rapidement des choses habituelles.
Mais plus le temps passe et plus on s'y habitue. Pour être honnête, c'est de ce chaos et de toute cette "informalité" que provient la plus grande qualité du Népal : son authenticité. Je suis venu au Népal pour faire du trekking et je n'avais pas forcément réalisé que je pouvais tomber amoureux de sa culture. Pour peu que l'on s'en donne la peine, Katmandou est un vrai joyau culturel qui se découvre petit à petit. Même si ce n'est pas toujours agréable et souvent fatiguant (les étroites ruelles sont bondées de taxis qui passent leur temps à klaxonner les piétons), il est impératif de se laisser aller et de se perdre dans les rues de cette magnifique ville. Se balader d'un temple à un marché... d'un rade à momo à une boutique de cachemire. Se laisser porter par les sons de cloche qui s'élèvent des monastères, se laisser guider par les odeurs de thé qui s'échappent des petites échoppes en bord de rue et ne pas être effrayé par les Népalais qui veulment savoir d'où l'on vient. Katmandou fourmille de choses intéressantes qu’un Lonely Planet ou un Guide du Routard ne peuvent condenser en quelques pages. Et c’est tellement plus agréable de se laisser surprendre. C'est comme cela que nous avons découvert la place et la magnifique stupa de Kateshimbu. Une place haute en couleur où les jeunes Népalais jouent au foot entre les statues où les vieux Népalais viennent prier et coller de la bouffe sur les lèvres des Dieux dont elles sont à l'effigie.
La religion est d'ailleurs la pierre angulaire du mode de vie des Népalais. Les moindres recoins de la ville et la moindre arrière-cour accueillent temples et statues où les habitants viennent prier et déposer des offrandes. Le plus étonnant est sans doute la manière dont ces lieux de cultes sont "intégrés" à la vie quotidienne... On ne va pas au temple comme on va à l'église : le temple est partie intégrante de l'architecture de la ville (au même titre que les maisons et les boutiques) et les stupas se dressent au milieu des croisements, souvent entourés des étalages d’un quelconque marché. Hindouisme et Bouddhisme se partagent d'ailleurs le Népal de manière curieuse puisqu'il n'est pas rare de voir des statues de dieux Hindou côtoyer un monastère Bouddhiste (la fautes aux tribus tibéto-birmanes qui ont introduit le Boudhisme au Népal, créant ainsi une culture unique où la religion Tibétaine s'est mélangée aux croyances indiennes). Les lieux de cultes ne sont donc pas uniquement des parties de la ville, ils sont la ville. Je ne suis pas du tout fana de religion, mais il me faut bien avouer que la culture religieuse Népalaise m'a paru sérieusement attractive : alors que nos églises sont grises, sombres et silencieuses, les temples et monastères du Népal resplendissent de milles et unes couleurs vives, le son des cloches et des prières résonnent sans cesse et Buddha n'est pas en train de mourir crucifié sur une croix mais médite, souriant. Ce qui m'a le plus marqué c'est que pour la première fois dans un lieu de culte, j'ai eu l'impression que l'on célébrait la vie.
Je pourrais vous parler des heures de cette ville de Katmandou qui m'a tant fasciné. Je pourrais vous parler des heures de Durbar Square et son architecture Newar (des bâtiments et temples en pierre aux encadrements de fenêtres et de portes en bois sculptés à la main), de la convivialité des habitants ("Namaste monsieur"), de la beauté des lieux de cultes et du plaisir que procure une simple balade dans les différents quartiers de Katmandou. Je pourrais vous parler des heures de son histoire faite de royaumes, de rois, de déesses vivantes et de la naissance du Bouddha (oui, c'est au Népal qu'est né Buddha). Je pourrais vous parler des heures de sa mythologie où les serpents se transforment en Dieu et où l'on vénère une divinité à tête d'éléphants (Ganesh mon préféré). Mais la place va venir à me manquer et mon but n'est pas de vous ennuyer. En prenant le temps de découvrir Katmandou et ses habitants, j'ai découvert une ville authentique (malgré son récent développement)... une ville enivrante qui s'apprécie avant tout avec les sens. Alors que les yeux se baladent sur les courbes d'une statue, le nez est agréablement sollicité par les odeurs d'encens alors que les marmonnements des moines, imperceptiblement, nous bercent. On se sent tellement à l'aise à Thamel et au cœur de la culture Népalaise qu'on se surprend un jour à constater qu'on y est depuis deux mois. Deux mois qui semblent n'avoir duré qu'une dizaine de jours.
Katmandou c'est
Un lieu à ne pas manquer : Le stupa de Katheshimbu qui m'a
fait tomber amoureux de la ville et la boutique de mon ami Krishna à Z street (véritable rendez-vous des expats)
Un lieu à éviter : Fermer les yeux et laisser vous guider par
l'odeur immonde qui s'en dégage... pas besoin de les voir pour savoir qu'on s'approche des rives de la Vishnumati
Un livre : Les chemins de Katmandou, de René Barjavel, qui
nous emporte dans l'époque hippie du Katmandou des années 60.
Un plat à dévorer : Du fromage de Yak avec un ou deux
chapatis (pain plat et fin) pour accompagner une fraiche bière Népalaise (Everest, Gorkha ou Nepal Ice) et on a un semblant d'apéro
Une phrase qui a été dites : A Katmandou, on faisait ce qu'on
voulait, c'était vrai. Nos frères les oiseaux ne se dérangeaient même pas quand on leur marchait sur la queue, parce que depuis dix mille ans personne n'avait tué un oiseau. Mais ce n'était pas
vrai pour les enfants de l'Occident à longs cheveux et à longues barbes. Ils étaient, eux les enfants de la raison. Elle les avait séparés à tout jamais de la simple compréhension des évidences,
inanimées, vivantes, divines, qui sont les mêmes, et par qui tout est clair depuis le brin d'herbe jusqu'aux infinis. A leur naissance, le bandeau de la raison s'était posé sur leurs yeux avant
même qu'ils fussent ouverts. Ils ne savaient plus voir ce qui était visible, plus entendre l'arbre, et ne parlaient que le langage raide des hommes enfermés entre eux dans les murs de
l'explication et de la preuve (Les chemins de Katmandou, Barjavel)