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RANDO, MOMOS, DODO : Chroniques Népalaises

A lire en écoutant
 SMITH & BURROWS - Wonderful life
 Parce que même dans le chaos inhospitalier qui règne au pied du Khumbu glacier, "ceux qui ont les yeux ouverts" y trouveront de la beauté et de la magie.
Et parce que c'est une des meilleures reprises découvertes ces dernières années (normal, Smith n'est autre que le chanteur de... Editors!)

 

Bien que j'adorerais que ce soit le cas, je ne suis pas à Koh Lanta. Pas encore. Ce n'est donc pas l'heure de la réunification et Tomtom et sa dulcinée Hélène n'ont pas été victimes de fourbes votes stratégiques à un quelconque conseil nocturne. Non. Pourtant -là est le lien avec mon émission favorite- c'est à partir du 15 mars que mon "aventure devient individuelle", pour reprendre une des phrases d'accroches favorites de ce cher Denis! Des adieux une fois de plus, deux compagnons de route qui disparaissent dans la poussière soulevée par le taxi qui les emporte loin de Thamel et la pluie qui commence à tomber avec l'arrivée de la nuit... Un début de soirée typique à Katmandou! Voilà comment je me suis retrouvé seul avec mon backpack. Voilà comment a commencé l'aventure que j'avais tant rêvée. L'aventure dont j'avais tant besoin.

Etendre mon visa Népalais n'était pas prévu au départ. Je devais m'en aller explorer le Tibet en même temps que Tomtom et Lélènne mettaient le cap vers l'hexagone. Mais quand j'ai apprit que le gouvernement Chinois n'autorisait aucun touriste au Tibet en mars, l'occasion fût trop tentante : plutôt que de rayer la destination de mon programme, j'ai décidé de patienter. Il est vrai que la patience est de loin la qualité qui me fait le plus défaut, mais patienter sur les 15 jours du trek de l'Everest c'est autre chose! Surtout qu'après notre première expérience autour des Annapurna j'étais remonté à bloc et totalement confiant. Des frontières fermées, un nouveau Visa et une motivation à 11 sur 10, il n'en fallait pas plus : j'avais excuses et justification pour repartir tâter de l'altitude. Trois jours sur Katmandou pour faire un dernier apéro avec Rouquin et réserver mon billet d'avion pour Lukla... Et l'aventure recommençait! Same same but different...

 

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Comme pour le précédent trek, pas besoin d'attendre l'entrée du parc pour que le jeu commence. L'aventure débute directement à Katmandou, à 5 heures du mat le ventre vide et les épaules déjà ruinées par le sac. C'est à cette heure là que j'embarque dans l'avion de Tara Air -anciennement Yeti Airline, compagnie renommée après le crash de 2008 qui couta la vie à 12 touristes sic! La carcasse verte du frêle coucou qui m'amène à Lukla se remplit d'une quinzaine de passagers qui, après s'être bouché les oreilles avec du coton, s'installent plus ou moins rassurés derrière le pilote. Le trajet nous offre de magnifiques vues sur la chaine de l'Himalaya. Ce qui nous fait oublier quelque peu les turbulences. Mais le "clou du spectacle" reste quand même l'atterrissage sur la piste inclinée de 450 mètres de l'aéroport (l'altiport pour être exact) Tenzing-Hillary. Pour la faire simple, je venais de vivre la version aérienne du bus qui nous avait amené à Besi Sahar.

Puisqu'on est dans les comparaisons avec mon premier trek, il faut bien avouer que la rando de l'Everest est tout simplement "plus" que celle des Annapurna. Sur tous les plans. Si les prix sont ainsi plus élevés (pas de routes, tout se charis à dos de Yak) et les chemins un peu plus bondés de trekkeurs, il faut aussi reconnaitre que les villages sont bien plus jolies et les paysages bien plus impressionnants. Ici pas besoin d'attendre 3 jours, dès les premiers kilomètres on a déjà la tête plongée dans la nature : à peine sortit de Lukla (jour 1, 2840m), on aperçoit déjà la belle montagne sacrée Kumbila sur le versant opposé de la vallée. La première journée de marche est donc un régal et traverser les magnifiques villages qui mènent à Namché fait presque oublier qu'on passe notre temps à grimper! Mention spéciale au village de Ghat, ses magnifiques mani walls (des pierres peintes ou sculptées de mantra religieux) et son impressionnant kaani (les portes sacrées qui signalent l'entrée et la sortie d'un village). Le ciel est bleu, j'ai survécus à l'atterrissage à Lukla et les villages sont splendidement colorés... Une parfaite introduction.

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Respectant scrupuleusement les règles d'acclimatation à l'altitude, je passe ma seconde journée à Namché Bazaar (jour 2, 3440m) pour habituer mon corps à la hauteur qu'il a prit en 24 heures. Pour éviter le Mal Aigu des Montagnes (MAM), il est en effet recommandé 1- de ne pas grimper plus de 500 mètres par jours et 2- de passer une journée de repos tous les 1000 mètres d’altitude franchis. Quand on a promis à sa maman chérie d'être prudent... Après être passé des 1344 mètres d'altitude de Katmandou aux 3440 de Namché en moins de 24 heures, il me faut donc faire une pause d'une journée. Une pause que je passe quand même à crapahuter, explorant les ruelles de Namché, contemplant la succession d'hélicoptères et d'avions se posant sur la piste de Syangboché et photographiant à tout va stupa et Yeti School (parrainé par Sir Edmund) de Khumjung. Mais, le plus important, c'est surtout mon premier entretien avec le boss : c'est sur le chemin me ramenant à Namché qu'émerge au loin le plus haut sommet du monde, l'Everest! 

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Une seule journée est suffisante pour à nouveau passer en mode "trekkeur". Les jours prennent un rythme plus ou moins similaires. Levé 5h, sur les chemins entre 6 et 7h. On pose le sac trois fois par jour, on se fait des copains toute les 10 minutes et le grand air est toujours autant bénéfique pour les neurones. A la base cet article devait s'intituler "Would you yak to be my friend" (ok je le place aussi parce que je trouve qu’il déchire) car j'avais peur de me sentir un peu seul. Mais que neni. Déjà car je ne suis pas farouche socialement mais surtout parce que c'est dur de se sentir seul sur les chemins menant à l'Everest Base Camp. C'est ainsi qu'en quelques jours, de Tengboché à Gorak Sheep, je deviens copain d'une pléthore de gens tous différents mais tous autant sympathiques! Une expérience que je n'avais pas vécue depuis mon Overland Trek. Car c'est ça aussi la magie du trek, les rencontres que l'ont fait en route. Une route d'ailleurs toujours aussi splendide. Dur dur de tout décrire. Mais le monastère Bouddhiste vaut à lui tout seul l'éprouvante montée jusqu'à Tengboché. (jour 3, 3860m). L'Ama Dablam (6856m), sur la rive est de la route de Dingboché (jour 4, 4360m), est probablement la plus belle montagne du parc. Et trekker sur la moraine du Khumbu jusqu'à Lobuché (jour 5, 4840m) ne serait pas aussi fun sans les impressionnants Khumbutse (6640m) et Lingtren (6714m). En trois jours, c'est donc riche de centaines de photos et de pleins de nouveaux copains que j'atteins Gorak Shep (jour 6, 5170), point de départ des sidetrips du Base Camp et de Kala Pattar.

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Un programme bien rempli que celui de cette neuvième journée. Premier sidetrip, la longue marche à flanc de moraine jusqu'à l'Everest Base Camp (5364m). Le sidetrip qui donne son nom au trek. C'est avec Josefine, une Suédoise fan d'escalade, que je fais équipe pour l'atteindre. Son groupe d'ami, une quinzaine de compatriotes, sont tous plus ou moins patraques à cause de l'altitude. T'inquiète miss, t'es entre de bonnes mains. Ou alors c'est moi qui suis bien accompagné, qui sait? On se fraye quoi qu'il en soit un chemin dans la rocaille du Khumbu Glacier, époustouflé par les magnifiques sommets du duo Nuptse (7879m) / Lhotse (8501m) et s'arrêtant régulièrement pour admirer les parois affutées des montagnes que nous longeons. Et surtout pour écouter les craquements réguliers de la glace nous entourant. Magique. Alors certes il n'y a rien de particulièrement "jolie" au Base Camp, on ne peut même pas apercevoir le patron. Le plus souvent il n'y rien d'autre que la glace, poussiéreuse qui plus est. Mais deux fois par an l'endroit se remplit de tentes : les alpinistes se lançant à l'assaut du plus haut sommet du monde se posent en effet ici trois semaines pour s'acclimater avant le jour J. Le jour où ils monteront jusqu'au plus haut point de notre planète, à 8848 mètres d'altitude. Il n'y avait pas de tentes, où très peu, le jour où j'ai atteint le Base Camp et le sidetrip n'est pas particulièrement difficile. Mais atteindre cette hostile étendue de glace est une sorte d'accomplissement en soit. Le Camp de Base de l'Everest, m'y voilà. Finalement. Il n'y avait pas de tente ce jour là. Juste le soleil se reflétant sur la glace du Khumbu dans un silence seulement interrompu par le craquement de la glace et le tintement lointain des cloches de Yak. Magique, l'ai-je déjà précisé?

De retour à Gorak Shep, deuxième sidetrip de la journée : l'ascension jusqu'au lookout du Kala Pattar (5545m). Toujours en équipe avec la fraiche Josefine, nous joignons cette fois les sympathiques Clément et Vanny, un couple de Français rencontré le matin même, et Marco, un Québécois en vacance avec qui j'ai prit plaisir à me remémorer mes années Canada. Nous levons l'ancre en milieu d'après midi, après un bon plat de fried noodle. L'objectif est de grimper au Kala Pattar pour y admirer le coucher du soleil. Une mince affaire? Une rude montée surtout! Mais de là haut, ya pas à chiquer, la vue est tout bonnement magnifique. Nous découvrons un panorama s'étendant du Pomuri (7145m) au nord jusqu'au lointain Ama Dablam au sud, avec toute une série de superbes sommets enneigés lestés du Khumbu glacier. Le vent glacé souffle sévère et prendre des photos relève bientôt du supplice. Mais nous restons. Nous restons pour observer l'Everest et ses subordonnées changer lentement de couleurs au fur et à mesure que le soleil décline. D'abord coloré du bleu pur du ciel, la teinte des sommets passe lentement d'un jaune orangé vif à un doux rouge rosé, avant de finalement s'assombrir pour laisser ces montagnes se parer d'un magnifique collier étoilé. Une scène majestueuse. Suivra une redescente dans la nuit noire, où seules lesdites étoiles éclairent notre chemin.

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Le chemin du retour est théoriquement le même que celui de l'aller. C'est ce que font la plupart des trekkeurs. Mais c'est sans compter sur les multiples chemins du Sagarmatha National Park! Je choisis donc de rallonger légèrement mon itinéraire retour en passant par le village de Gokyo (jour 8, 4750m) afin d'apprécier le panorama qu'offre le renommé Gokyo-Ri lookout. Pour cela, il me faut passer le Cho La Pass (5368m, facile) et traverser le Ngozumpa glacier. Ce dernier passage est d'ailleurs un des moments forts de mon trek : la moraine, poussiéreuse, présente de nombreuses aspérités plutôt atypiques et repérer les cairns dans cet immense chantier caillouteux et monochrome est pour le moins compliqué. Mais une fois de plus, l'expérience est énorme : si les montagnes n'étaient pas là pour me le rappeler, j'aurais pu me croire en trek sur la lune tant le dépaysement est total.

Autre moment fort de mon trek : le Gokyo-Ri (5357m). De bon matin, armé seulement de mon courage (et de mon bâton de berger bien sûr), me voila parti à l'assaut de ce point de vue perché 600 mètres plus haut que le village du même nom. Une longue heure de progression pour admirer un panorama encore plus complet que celui du Kala Pattar. L'Everest et ses compères sont encore de la partie et ils ont cette fois invité l'imposant Cho Oyu (8201m). Totalement séduit par le paysage au lever du soleil, je ne pense qu'à une chose : venir y admirer le coucher du même astre. Ce sera chose faite l'après-midi même après une seconde (bien plus difficile cette fois) montée en compagnie de Fred, un belge rencontré a la guesthouse où je dors. Avec des températures moins froides, l'expérience est rendue visuellement intense grâce à un panorama composé de la plupart des pics que j'ai croisé ces 10 derniers jours. On se pose donc là haut, perdant la notion du temps, perdu que nous étions à observer une vague nuageuse n’épargnant que le sommet des proches montagnes, alors que le soleil couchant joue avec les teintes des sommets plus éloignés. La redescente, dans le silence et la pureté de la luminosité nocturne ne fait que renforcer le sentiment de plénitude que ce trek m'apporte depuis une dizaine de jours...

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J'ai rencontré beaucoup de gens venu au Népal pour se reposer, apprendre la méditation ou tenter de remettre un peu d'ordre dans leurs pensées et dans leur vie. Un centre de méditation je n'en ai guère besoin, ce n'est pas encore trop le bordel là haut dedans. Non. Par contre, mon truc pour être paisible et pouvoir penser peinard, c'est l'aventure en nature. Et il est indéniable qu'un trek -qui plus ai en solitaire- nous prive de toutes les "pollutions sociétales" pouvant paralyser et parasiter le bon fonctionnement de notre cher cerveau. Pas de téléphone, pas de facebook. Pas de bus à attraper et pas de boulot auquel être en retard. Non, juste le grand air, des paysages magnifiques et un état d'esprit serein, concentré sur les petits plaisirs à côté desquels souvent nous passons. S'assoir pour admirer un paysage. Et pas seulement au travers l'écran de son ordinateur et de son appareil photo. Prendre 5 minutes pour discuter avec un voisin de table et savoir en quelques phrases son histoire. Puis lui raconter la notre. Ouvrir une carte pour être sûr du nom et de l'altitude de la montagne que nous avons en face de nous. Et être impressionné non pas parce que c'est écrit mais parce qu'elle est là et qu'on a les yeux ouverts. Observer, et être séduit par un couché de soleil comme si c’était le premier de notre vie. Et être encore plus émerveillé par une simple marche nocturne nous ramenant à notre maison temporaire. S'écarter pour laisser passer un Yak chargé comme une mule. Et le caresser au passage...

Une rando. Un trek pendant lequel j'ai forcément repensé à mes dernières années de voyage. A ceux qui me manque et à ce qui va me manquer lors de mon retour en France. J'ai toujours su que la vie que j'ai menée jusqu'à présent a été celle que je voulais. Mais sur les pistes de l'Everest, j'ai prit conscience que cette vie de nomade m'avait aussi permit de m'épanouir. En apprenant à m'écouter, j'ai aussi apprit à être heureux. Je sais maintenant comment mener la barque de ma vie et, je vous jure, je ne suis pas prêt de lâcher le gouvernail du bonheur...

 

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  Le Népal, du côté de l'Everest, c'est
Un lieu à ne pas manquer : Le coucher de soleil apprécié du lookout du Gokyo-Ri
Un lieu à éviter : sérieux, je ne vois pas
Un livre : Into Thin Air, poignant témoignage de Jon Krakauer (auteur d’Into the Wild) qui a survécu à la tragique ascension de l'Everest qui couta, en mai 1996, la vie à 12 personnes (dont deux des meilleurs alpinistes du monde).

Un plat à dévorer : Les délicieux Momos Népalais bien sûr! Au chicken, buff ou au porc ces espèces de raviolis cuits à la vapeur (proche cousins des dumplings chinois) sont un délicieux délice

Une phrase qui a été dites : Il y a des hommes sur qui l'inaccessible exerce une attirance particulière. Généralement, ce ne sont pas des spécialistes : leur ambition et leur imagination sont assez puissantes pour écarter les doutes que pourraient éprouver des hommes plus prudents. La détermination et la foi sont leurs armes les plus puissantes. De tels hommes sont considérés au mieux comme des excentriques, au pire comme des fous (Walt Unsworth, L'Everest)

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